Merlot - Z.E.P. - Ivry, Le Hangar - 4 décembre 2010

Arrivé un peut à la bourre, je n’ai pas entendu le discours de soutiens aux sans papiers. La soirée s'intitulait Le Père Noël n’a pas de papiers. Je me précipite au bar, juste à temps pour avoir la moustache dans la mousse de ma bière quand le concert de Merlot commence.

Merlot

Ça fait deux fois en six mois que je vois le père Merlot. La dernière fois, je découvrais, j’avais emmené mon gamin. Cette foi-ci la salle est envahie des gamins des autres ! Merlot à un nouveau spectacle. Toujours plus loin dans le second degré, le chanteur de Baobab en échappée solo laisse libre cour à sa nature ultra capitaliste mode « tout pour ma gueule » : photo de Carla et Sarko, Sardou, Bill Gates et de dollars bricolés à l’effigie de Merlot sont projetés en fond de scène. Le chanteur arrive, en toute simplicité, costume et manteau de vison jeté négligemment sur les épaules, une manière de montrer les vraies valeurs de la France à la banlieue rouge.
Par contre les baskets montantes bleues et rouges cassent un peut le mythe.

Sur Hello, un air de jazz suranné, Merlot invite une touriste américaine « to visit the real neuf-trois », et à manger chez « a little restaurant called la fontaine à frites, you’ll try the little sauce samouraï, speciality from Ile de France »

Plus tard il arme des gamines du premier rang d’armes de guerre gonflables et les faits montés sur la scène pour illustrer une proposition de loi alléchante : autoriser le port d’arme pour les femmes. « Si ton petit copain te trompe, ton beau père veut te tripoter ou ton patron te sauter, CASSE LUI LA GUEULE ».

Il salue le public d’immigrés et d’islamo gauchistes. Sa grande silhouette dégingandée parcourt la scène en chaloupant. Pour les rappels il joue des titres de son précédant spectacle, plus hip-hop. « Ah ça, les classes populaires ça aime bien le tchak-poum… Espèce de dégénérés ! » A force de cris et d’applaudissements, on le fait revenir pour un second rappel, il joue à nouveau Hello.

Z.E.P.

Z.E.P. pour Zone d’Expression Populaire, émule du M.A.P., Ministère des Affaires Populaires. Saïd, MC du MAP s’entoure de Alee à la guitare, d’une derbouka, une batterie et un accordéon. Le tout donne un mélange rap, chanson, musette, dans la lignée de MAP ou Zebda par exemple.

Saïd commence le concert en expliquant sa posture : « ZEP prône l’insolence et l’irrévérence et hurle à qui veut l’entendre et à qui ne le veut pas : On n’est pas là pour plaire, séduire ou convaincre ».

Chaque texte est un brulot contre la bêtise, le paternalisme postcolonial envers les noirs et les arabes en France. Saïd demande si il a l’air « bien intégré » si son « français est correcte ». « OUIII » répond plein d’enthousiasme un mec du public, et c’est vrai que si le mec sur scène dit un truc, grosso modo tu hurle OUIII et ça passe. Mais là « connard » lui rétorque Saïd du tac au tac. L’idée c’est de ne pas avoir à se justifier, à justifier sa présence ou à prouver son amour de la France quand on est descendant d’immigré. De ne pas avoir à être jugé a priori sur sa maitrise de la langue française et recevoir des encouragements qui ne seraient pas donné à un autre. C’est pour cela qu’ils ont appelé leur album Devoir d’Insolence, car il est insolent aujourd’hui d’être immigré et de prendre parti. Que ce soit politiquement, philosophiquement, religieusement et surtout individuellement.

Il y a aussi des chansons sur la Palestine, l’identité, la famille, sur la difficulté à se positionner comme artiste, comme saltimbanque (une thématique aussi développée par Merlot). Saïd parcoure la scène en rappant, il prend parfois des poses assez rock’n’roll, un pied sur le retour, micro tendu quand le publique reprend les refrains. Chanson, énergie rock, flow hip-hop, engagement politique, cajón, derbouka et guitare sèche, ce mélange fait penser au bouillonnement de groupe du début des années 90, fin 80 comme les Negresses Vertes, Los Carayos,… On imagine Z.E.P. aussi a l’aise dans une grande salle que dans un petit bar.

Et v’là Saïdou qui sort de scène en laissant son groupe tout seul ! Alee, le guitariste est aussi chanteur il nous chante la difficulté à se positionner comme troubadour (c'est-à-dire un mec qui voudrais devenir saltimbanque...). Il nous joue trois ou quatre chansons, son répertoire est plus « chanson » que celui de Saïd-le-rappeur. Son accent, la tessiture de voix, l’accompagnement à l’accordéon… Même les thèmes abordés entre réalisme, rêveries et engagement… Tout, sauf le physique, me fait penser à François Hadji-Lazaro. Du Pigalle.

Saïd reviens pour quelques titres dont N.L.F. acronyme pour Nique La France. "Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes, nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes"
Il y a un livre aussi, qui porte le même nom : Nique La France. Avec 70 photos d’anonymes qui posent le majeur levé face à l’objectif, et un essai de Saïd Bouamama. Une analyse des mécanismes qui mènent à un racisme acceptable, et appel à l’insolence.

Pas de rappels, mais Saïd nous attend à la sortie pour discuter, serrer des mains et vendre le livre qu’il nous à présenté. Avec le livre il y à un disque. Douze chansons de Saïd et Alee qui sont également téléchargeables sur le site de ZEP.